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Marguerite Plaisir

25 mars 2022

Marguerite Plaisir est une enseignante et autrice.

Marguerite Plaisir a quitté Pineuilh, son village de Gironde, à l’âge de dix-neuf ans, pour aller enseigner en Algérie, en Petite Kabylie et dans les Aurès. Puis elle a poursuivi en Bretagne sa carrière d’institutrice. Profondément attachée à sa terre natale, elle lui a rendu hommage dans Gens de Pineuilh, qu’elle disait avoir reçu la mission d’écrire afin de donner la parole à tous ceux de sa famille qui, avant elle, n’avaient pas eu l’occasion d’apprendre à lire. Sa sincérité, l’authenticité des événements graves qu’elle relate avec joie et truculence, redonne une valeur aux faits ordinaires de la vie des gens modestes. (La fontaine secrète)

Marguerite Plaisir est décédée d’un cancer un an après la parution de Lettre à Bobo.

Ces deux ouvrages sont publiés aux éditions La Fontaine secrète.

Gens de Pineuilh (Sarments)

Gens de Pineuilh (2007) est un récit autobiographique rendant hommage à sa modeste famille vivant à Pineuilh, qu’elle quitta à 19 ans pour aller enseigner en Algérie.

Ce récit truculent toujours en équilibre entre le rire et le chagrin, farci de mots de patois, rend hommage à quatre générations de « gens de Pineuilh ». Des humbles, des travailleurs, des illettrés, des oubliés. Un texte haut en couleur qui défie la misère. — La fontaine secrète

Incipit

Premier jour Lou. C’est Lou qu’il l’appelait, celui qu’elle aimait. Dix-neuf ans déjà qu’il repose au pied du coteau de Pineuilh, des roses blanches à son chevet. Et elle est toute seule maintenant. Ou presque.« Je suis la dernière » a-t-elle murmuré un jour d’une voix tremblée alors que, suspendue à mon bras, si petite, si fragile, elle avançait à pas menus entre les tombes. Lou, ma mère, mon enfant.

Extrait

C’est aux Guignards que Paul s’est marié. La première noce à laquelle j’assistais. J’avais ma robe corail et une fleur dans les cheveux. Parmi les rares clichés de ce jour mémorable, il en est un qui m’émeut particulièrement. Elles sont là toutes les trois dans un coin de la cuisine, Pauline, la sœur préférée, Lou et Simone, l’amie de toujours, prises en photo, surprises par Antonio Ruzzica, le mari de Huguette Hautier. En stricte robe bleu marine à peine rehaussée de blanc, Lou, pour la première fois, n’a pas de tablier et les deux autres n’ont pas eu le temps d’enlever le leur malgré leurs protestations joyeuses. Derrière elles, l’évier en pierre contre lequel est encore adossée la petite chaise de Reine. Comme à son habitude, elle l’a traînée jusque-là et a grimpé dessus pour passer ses menottes sous le jet du godet avant d’aller rejoindre « les grands » dans la fraîcheur du chai attenant où va se dérouler le repas de noces. Les garçons ont laissé des traces de doigts poisseux de brillantine sur la modeste glace accrochée près de la fenêtre. Nous sommes le 10 juillet 1959. Elles sont là toutes les trois, heureuses d’être ensemble, heureuses pour l’éternité.

Lettre à Bobo

Lettre à Bobo (2008) est un hommage posthume à un jeune de Pineuilh mort, par manque de soins, en prison à Fresnes, à l'âge de 22 ans. (Wikipédia)

Un hommage à Claude, dit Bobo, emprisonné à Fresnes pour une affaire de drogue et décédé à la suite d'une otite chronique non soignée. L'auteure, qui n'a vu ce jeune homme qu'une seule fois alors qu'elle rendait visite à son père, a rencontré ses proches, famille et amis. Elle revient sur sa personnalité et sur les faits qui ont conduit à son décès.

C'est à l'hôpital de Sainte-Foy-La-Grande (Gironde), à l'occasion d'une visite à son père que Marguerite fait connaissance de Claude Bottgen, alors alité dans la même chambre. À la faveur d'une conversation, les liens se tissent. « Lorsque j'ai appris sa mort et reconnu son visage dans les journaux, j'ai su qu'il fallait que je fasse quelque chose. Il semblait me dire : « Dis-leur, dis-leur ce qu'ils m'ont fait ».

Cette lettre fictive est un hommage rendu à un jeune homme pur que l’idiotie de la Justice a broyé. Mort en préventive, faute de soins médicaux ! Ce petit livre, Marguerite Plaisir l’a fait naître en complicité avec la famille de Bobo, de Bibi, de Marie. On lui a prêté des photographies un peu floues — bien plus floues que les souvenirs —, qui ponctuent l’ouvrage, figeant les pièces à conviction et la jeunesse du héros. — La fontaine secrète

Incipit

Oui, je sais, tu ne pourras pas lire ces lignes. Jamais. Et ça ne se fait pas d’écrire à un mort. Mais est-ce ma faute si, malgré la terre qui alourdit tes paupières, ton regard continue de vivre en moi ? Si, dès qu’on évoque ton nom, le visage des autres s’illumine ? Ce regard qui me poursuit, qui m’obsède, m’amène à prendre le stylo, et tu es là qui me tient la main. Pourtant, je ne t’ai vu qu’une fois, une seule fois, à l’hôpital de Sainte-Foy la Grande.

Extraits

Elle t’a vu arriver, menotté, en ce triste dimanche de mai. La fouille en règle du numéro 59, l’interdiction de rester avec elle ne serait-ce qu’un instant, l’odeur âcre de la tarte aux pommes qui brûlait dans le four, la dernière odeur emportée de chez toi. En partant, tu as demandé l’autorisation de l’embrasser mais tu n’as pu la serrer dans tes bras. La dernière image qu’elle a de toi, c’est ta silhouette sombre se détachant sur le rectangle clair de la porte. Tu ne riais plus à la vie. Trois mois plus tard, elle a vu arriver une boîte claire à l’église de Sainte-Foy. Avec un simple matricule ; à Fresnes, on ne fait pas dans le détail. Mais tu n’étais pas là-dedans, cela ne pouvait pas se faire. Emprisonne-t-on le soleil ?
Un de tes oncles a donné son nom à une rue de Pineuilh : il a été tué par les Allemands pour un idéal. Toi tu as été tué par l'indifférence... Pour rien.
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